CHAPITRE 4 :
- Ta fille ?, répéta Winterheart à haute voix. Mais…
Le druide ne parvenait pas à terminer sa phrase. Tout se bousculait dans sa tête. Le vol en griffon, sa chute, la rencontre avec Erine, le combat avec les centaures, et maintenant cette révélation. Les elfes enfantaient très rarement ; le prix à payer aux dieux pour leur longévité.
Après quelques secondes, il se reprit enfin et demanda :
- Qu’est-il arrivé à ta fille, Erine ?
La jeune femme continuait de pleurer en silence. Elle se sentait si faible, si impuissante alors que le temps lui était compté. Cela faisait déjà dix jours. Pourrait-elle arriver à temps ?
- Erine ?, insista Winterheart en serrant la main de la jeune femme.
Avec difficulté, la jeune femme raconta alors ce qui était arrivé. Une bande de centaures avait attaqué son clan à l’aube une dizaine de jours auparavant. Le combat avait été rapide car inégal ; la plupart des chasseurs elfes étant partis en quête de gibier.
Quand elle était revenue au camp avec ses compagnons, elle avait découvert un spectacle terrible. Tout était complètement ravagé. Les flammes dévoraient les huttes éclairant les corps assassinés des quelques résistants. Parmi ces derniers, il y avait un enfant. Au début, Erine avait cru qu’il s’agissait de Shaël. Heureusement, elle constata avec soulagement que ce n’était pas le cas.
Winterheart écoutait avec attention l’histoire de la jeune femme. Plus il avait de détails plus son sentiment de culpabilité vis-à-vis du centaure s’effaçait. Il était remplacé par de la rage. Il calma les pulsions primaires qu’il sentait s’éveillées en lui. Ce n’était pas le moment.
- Je me suis mise en route il y a une semaine, seule. Mon clan n’avait plus aucun espoir de croire que les nôtres étaient en vie. Pourtant, au fond de moi, je sais que Shaël l’est toujours.
Je suis sa mère. Je le saurais si quelque chose lui était arrivé., poursuivit Erine la voix entrecoupée de sanglots.
Le druide acquiesça et se pencha sur elle pour lui essuyer les larmes.
Au même moment, Shandarah feula et un chœur de cordes qui se tendent résonna dans l’air.
- Laisse-la sale porc ! Si tu la touches encore une fois, tu es mort !, rugit une voix grave et sèche.
Winterheart releva la tête et découvrit à une dizaine de pas cinq chasseurs elfes positionnés en arc de cercle, arc tendu et l’ayant pris pour cible. A leur côté, se tenait prêt à bondir un félin.
Celui qui semblait être le chef était légèrement en avant et affichait un visage belliqueux. De longues tresses fauves encadraient son visage hâlé aux pommettes saillantes. Un bandeau de cuir retenait ses cheveux et laissait ainsi ses yeux d’acier découverts. Ces derniers ne quittaient pas Winterheart.
- Es-tu demeuré ? Je t’ai dit de reculer. Tu ne mérites pas de poser tes mains sur elle !, s’emporta le chasseur. Sa panthère noire se joignit à lui et grogna, montrant ses crocs.
Winterheart voulut obéir rapidement. Mais dans la précipitation, au lieu de se relever, il bascula en arrière et déclencha le rire des chasseurs. Rouge de honte, le druide resta assis par terre, tête baissée.
- Quel imbécile !, se moqua le chef du groupe en avançant vers eux l’arc à présent en bandoulière.
Il s’agenouilla auprès d’Erine et lui caressa le visage.
- Ena than’ya., murmura-t-il avec douceur.
La jeune elfe lui jeta un regard noir qui le fit sourire.
- Va t’en Evandor ! C’est fini ! Je ne veux plus te voir.
Le chasseur se mit à rire pour de bon cette fois-ci puis se tourna vers ses compagnons.
- Quelle femme, hein !
Puis sans prévenir, il l’embrassa sauvagement. Epuisée par le combat et sa blessure, Erine n’avait plus aucune force pour lui résister. De nouvelles larmes coulèrent le long de ses joues. Des larmes d’impuissance et de colère.
Révolté, Winterheart se releva et se précipita vers le chasseur. Mais une forme sombre le renversa et le plaqua au sol. La gueule de la panthère noire apparut au-dessus de lui. Il pouvait sentir le poids de l’animal sur son torse et ses griffes s’enfoncer dans ses épaules.
- Merci Farrhar. Quant à toi jeune elfe, j’espère que tu as compris. Si tu bouges encore une fois, ma panthère te dévorera !
Puis Evandor fit signe à ses hommes d’approcher.
- Shalel et Andyon, allez chercher les montures. Ashiel et Melendyon, vous vous chargez de ce type. La punition habituelle., conclût-il en leur faisant un clin d’œil.
Les chasseurs obéirent aussitôt.
- Non Evandor ! Tu ne peux pas faire ça ! Il m’a sauvé la vie !, intervînt Erine devinant ce qui allait arriver.
L’interpelé se tourna vers elle et rit.
- Je fais ce que je veux ma chérie. Tu n’as pas voulu m’écouter. Cela te servira de leçon.
- Mais tu ne me croyais pas ! Tu ne voulais pas partir secourir Shaël ! Notre fille !
Le visage du chasseur se ferma.
- Ce n’est pas le moment de parler de ce genre de choses. Surtout devant un inconnu., dit-il en désignant Winterheart toujours au sol.
Erine secoua la tête.
- Avec toi, ce n’est jamais le bon moment…, soupira-t-elle.
Evandor ne releva pas et se dirigea vers le druide étendu au sol.
Il siffla une note claire et Farrhar abandonna aussitôt Winterheart pour venir se positionner près du chasseur.
- Je suis navré. Je crois que je me suis un peu emporté., s’excusa-t-il en tendant une main à l’elfe pour le relever.
Surpris par le changement d’attitude mais naïf, le druide accepta la main tendue.
A peine, fut-il debout qu’il sentit un poing le percuter à la tempe.
La dernière chose qu’il entendit fut le cri d’Erine puis ce fut le noir complet.
- Salop ! Tu n’avais pas le droit !
- J’ai tous les droits ena than’ya.
Puis Evandor fit signe à Ashiel et Melendyon d’accomplir ses ordres.
Quand Winterheart reprit conscience, il avait mal à la tête. Le chasseur ne l’avait pas raté.
Comment s’appelait-il déjà ? Edan.. Non ! Evandor.
A ce rappel, l’elfe ouvrit les yeux et vit le sol à quelques mètres sous lui. Mais où était-il ?
Il tenta de bouger ses bras mais ils étaient attachés… aux branches d’un arbre. Ces salops l’avaient suspendu. Pire encore, ils l’avaient déshabillé complètement.
Il tenta de se libérer en tirant sur ses liens mais ils avaient fait du très bon travail.
- Pourquoi tout cela ?, songea-t-il avec tristesse.
Puis les minutes s’écoulèrent et devinrent des heures.
Enfin, au bout d’un moment, Winterheart entendit une voix. Non, deux., corrigea-t-il.
Un homme et une femme à n’en pas douter.
La réponse lui parvînt avec l’apparition d’un nain en armure et d’une elfe en robe blanche qui se disputaient.
à suivre...
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